Sous ce titre, les éditions de L’Arbre à paroles rassemblent des poèmes de vingt années, extraits des principaux recueils publiés par Max Alhau dans cette période. Le choix, que nous supposons celui de l’auteur, semble inspiré moins par le souci du florilège représentatif que par une tendance à l’assombrissement : comparant ces extraits aux versions intégrales, on ne peut qu’être frappé par l’accentuation de l’ombre, par l’omission, souvent, de textes qui portaient la clarté dans un destin de cendres (on songe ici, par exemple, avec quelque regret, à l’absence de la superbe suite Célébration de la lumière qui clôturait le livre Le Fleuve détourné).
L’ensemble présenté aujourd’hui n’en constitue pas moins une indéniable réussite, même venant s’ajouter à la bibliographie existante, car, à tout prendre, choisir des textes, c’est encore faire œuvre poétique et se renouveler. L’auteur le fait ici d’autant mieux qu’à la rétrospective s’ajoutent, en fin de volume, des pages inédites d’une grande pureté méditative.
Nulle autre saison, lit-on sur la couverture. Comment, mieux que par ce déni, cantonner tout désir à la terre, décliner toute promesse de « siècle futur » ?
Tout est là
dans la sécheresse des mots,
celle des herbes.
Peu nombreux sont les poètes qui, dans notre condition mortelle, tracent d’aussi intimes cheminements ; qui, à travers le quotidien de l’espoir, puis du doute – quand les repères menacent de se perdre –, forcent une connaissance aussi douloureuse de notre parcours :
Cet exode aux allures de conquête
nous ramène en plein soleil,
brûlés par un temps
qui se défait
et nous déboute de nos domaines.
Tout au long d’une belle et profonde méditation, par endroits volontiers aphoristique, souffrance est devenue sagesse – sagesse de poète, c’est-à-dire évidence pure où même un dénuement nous illustre :
Quand on a tout perdu, […] on commence à soupeser sa richesse. Une étoile se love dans nos mains […].
Un tel livre, dont la rigueur même de l’écriture approfondit la beauté, reste un modèle de probité poétique.
©Paul Farellier
(Note de lecture in Les Hommes sans épaules, n° 17/18, 2ème semestre 2004)