Sous l’offrande chuchotée de ce titre, nous recevons la grâce d’une parole parvenue à la vraie sérénité, comme à la vraie simplicité. Non pas dépouillement, qui sous-entendrait on ne sait quel effort pour un vers décharné : le poète ne s’est nullement imposé d’émacier le verbe ; la bonne ascèse a produit sveltesse et jeunesse pour les octosyllabes de ces cinquante-six poèmes à la brièveté rayonnante (cinquante-cinq tercets et un quatrain pour conclure).
Paradoxalement, le poème bref – petit maillon de la chaînette offerte – ne doit surtout pas inciter à une lecture trop rapide. Si ces quelques mots posés sur la page ne requièrent nul décryptage, le poète ne s’étant livré à aucun brouillage intellectuel, en revanche ils réclament l’amitié du lecteur, celui-ci venant à les chérir pour les faire siens dans un consentement profond. À vrai dire, cela se fait sans effort tant la suite des tercets recèle de séductions simples – et parfois même franchement rieuses :
se met à braire t’emplissant
d’une muette hilarité
ou encore :
en tâtonnant cherche ses billes
Un geai s’invite à la partie
Le plus souvent, c’est un regard d’émerveillement tranquille qui est porté sur la vie environnante :
le val est un bol de lumière
que le chant d’un coq a fêlé
et, dans l’âge, intérioriser ce regard ne lui ôte en rien l’acuité :
c’est dans tes yeux que maintenant
tu regardes la nuit tomber
Au total, une lecture qui, pour peu qu’elle soit attentive, donne ce sentiment, rare, d’avoir pu, un moment, fouler librement les pentes du « royaume ».
©Paul Farellier
Note de lecture in revue Les Hommes sans Épaules, n° 34, 2nd semestre 2012.