Avec ce titre étrange, Gaspard Hons entraîne le lecteur, pour son bonheur, sur des chemins que les anciens sages orientaux ont déjà parcourus voici plusieurs siècles. L’esprit du tao souffle sur ces poèmes en prose et la leçon, toute d’humilité, de Gaspard Hons, le poète et penseur, n’en est que plus remarquable. La sagesse domine dans ces textes, celle qui s’oppose à notre époque avide de posséder plus que d’être. L’écriture se fonde sur le concret pour avancer des idées qui constituent la philosophie du poète. Que dit-il donc dans ces textes brefs, ciselés avec patience et qui atteignent avec précision leur but ? Que le monde est illusion et que les pouvoirs de celle-ci sont illimités: » Une tranche de pain mangée en dormant pourtant le rêveur « , déclare-t-il. Car dans cette démarche le paradoxe est de mise qui ne cesse de rappeler que la réalité n’existe pas et que ce que nous contemplons n’est que son absence: » le principe qui la porte ne livre qu’une apparence de rose, c’est l’illusion d’une rose qui s’offre à notre regard « . Aussi faut-il miser sur cette illusion qui peut être l’imagination pour poursuivre la voie. Seule l’intériorité, la méditation permettent d’avancer, de porter un regard lucide sur nous-mêmes. Il ne faut pas s’en tenir aux paroles qui ne conduisent à rien, ne peuvent cerner l’être ni son envers: c’est cette écriture qui oscille sans cesse entre deux chemins qui est propre à Gaspard Hons et dans laquelle le lecteur s’absorbe: » Dire ce qu’est n’être rien rejoint l’impossibilité de dire le contraire « . Le paradoxe est toujours présent puisqu’il n’est aucune vérité, aucune certitude en ce monde. Les réflexions qui fusent à chaque page comme autant de méditations sur un sujet donné permettent de considérer l’univers dans son infini, alors même que pareille perspective semble sans raison aux yeux du philosophe: » un espace sans limites serait redoutable s’il n’y avait des dieux pour nous bercer de l’illusion de porter des chaussures inusables « . En face d’un tel constat quel jugement porter sur les choses qui nous entourent si ce n’est celui de leur fugacité, de leur immatérialité, et accepter leur disparition: c’est avec cette image: » quand la neige fond, l’eau qui s’écoule ne garde pas la forme des cristaux » que Gaspard Hons traduit cette fuite des choses, des êtres. La quête entreprise se poursuit avec obstination. Ce qu’il reste à accomplir par l’homme c’est de se rejoindre, de se fondre dans une unité à laquelle il aspire. Cela, Gaspard Hons le formule avec force: » Lorsque tout aura été dit, une part infime restée dans l’ombre te permettra de trouver ta part manquante « . Dès lors le passage aura été accompli: il sera inutile de questionner et plus encore de répondre: » Naître clôt définitivement la question du néant et celle de l’infini » car c’est bien naître qui importe dans cette recherche.
L’écriture de Gaspard Hons, sa démarche sont celles d’un poète et d’un penseur: ces Propos incitent à méditer une pensée résolument tournée vers l’intérieur. En ces temps agités, il est bon de faire halte et de lire de telles réflexions en forme de poèmes. L’esprit s’en trouve pacifié et la poésie régénérée pour son plus grand bien.
©Max Alhau
(Note de lecture parue dans Autre Sud, n° 33, juin 2006)