Dans son excellente collection « Empaysée », qui nous avait permis, entre autres, la relecture de Seule mémoire de Pierre Gabriel (voir le numéro 16 des Hommes sans épaules), Jean-Claude Valin publie cette fois l’ouvrage posthume de Jean Follain, Comme jamais, dont la fidélité de la première édition, en 1976, avait pu paraître incertaine. La présente édition résulte, elle, d’un patient et scrupuleux retour sur manuscrit.
Le recueil réunit des poèmes publiés dans diverses revues, mais aussi des textes tirés de brouillons rendus orphelins par la mort accidentelle de leur auteur. De là, un caractère d’ébauche ou parfois d’impréparation qui ajoute à la « matité » chronique et fascinante de cette œuvre où les objets sont, une fois encore, soigneusement observés et rêvés, les actions et situations diverses du monde mises en présence et en simultanéité, où le poète enfin, comme il le confesse dans Territoires (1953, Poésie-Gallimard, 1969), joue à ce jeu d’exister. Un jeu dont la pratique assidue conduit à une sorte de métaphysique de l’unité profonde, comme dans ces quelques vers du poème intitulé Un même fond :
[…]
l’on entend sonner l’heure
au cadran d’un monument
assis sur un banc
un homme
[…]
seul il parle
[…]
au-delà des harmonies qui diffèrent
celle sur un palier de la vierge entièrement nue
du paysage au feuillage qui frémit
du planisphère sur le mur
de l’outil qui étincelle
un même fond tremblant les réunit.
Nul éclat dans cette voix sourde, pourtant si efficace et convaincante. Seulement l’innombrable et unique présence, à laquelle rien n’échappe, ni dans l’intime, ni dans l’entour, ni dans l’invisible même. Un regard qui juxtapose et fait coexister sans le moindre recours métaphorique.
La deuxième partie du volume, Le Pays Follain, fournit un remarquable dossier critique sur l’œuvre du poète, avec des textes de Gaston Bachelard, André Dhôtel, Pierre Calderon, Gil Jouanard, Jacques Borel, Didier Alexandre, Alain Lévêque, James Sacré, Jean-Pierre Richard, Élodie Bouygues, à qui l’on doit l’établissement de la nouvelle édition, Antoine Émaz, Jean-Luc Steinmetz, Cécile Hayez-Melckenbeeck, Jean Pierrot, Jean-Yves Debreuille, Joseph Rouffanche, Jacques Réda, René Plantier, Jean Rivet et Guy Goffette.
Voilà un ouvrage qui sera précieux, non seulement au « follainien » de longue date, mais au moins autant à qui voudrait s’initier à ces instantanés d’espace et se repérer dans l’univers atroce et doux à sa place inéluctable.
©Paul Farellier
(Note de lecture in Les Hommes sans épaules, n° 17/18, 2ème semestre 2004)