Délaissant l’essai traditionnel, Jacques Taurand a choisi la compilation épistolaire pour célébrer celui qui, né en 1808, devait se donner la mort, rue de la Vieille Lanterne, le 26 janvier 1855, laissant à la postérité quelques chefs-d’œuvre dont Aurélia et Sylvie, ces Filles du feu, de feu et de lumière.
Gérard de Nerval, « le ténébreux, le veuf, l’inconsolé », prend de nouveau forme et corps grâce à ces lettres rédigées du 1er mars au 7 mai 2007 au rythme de deux ou trois par semaine.
Par le biais de cette correspondance à sens unique, Jacques Taurand évoque la vie et l’œuvre du poète avec cette simplicité amicale qui unit les hommes possédés par la même passion de l’écrit poétique.
Chaque lettre correspond à un fait précis, à une anecdote, à une publication marquante. Et la subtilité de la démarche consiste à fournir tous les éléments de l’essai sans recourir à la pesanteur narrative.
Taurand agit ici comme si son interlocuteur était réceptif aux arguments avancés. Interlocuteur qui y répond d’ailleurs par anticipation.
Les seize lettres traitent avec un égal bonheur de chapitres nervaliens : des Nuits d’octobre à Octavie, de La Pandora aux Filles du feu, d’El Desdichado aux Chimères. Et c’est un grand plaisir de partager ces pages à la fois intimistes et analytiques où l’on sent l’admiration sourdre derrière chaque phrase, derrière chaque mot.
Au détour d’un chapitre, on notera cette citation que beaucoup de poétereaux pourraient méditer avec profit : « — la dernière folie qui me restera probablement, ce sera de me croire poète : c’est à la critique de m’en guérir. »
Jacques Taurand, à qui l’on doit par ailleurs, outre des nouvelles et des poèmes de belle venue, un excellent essai Michel Manoll ou l’envol de la lumière (L’Harmattan, 1997), signe ici un livre original et de haute qualité.
©Jean Chatard
Note de lecture in Le Mensuel littéraire et poétique, n° 356, janvier 2008