Avec «Les mauvaises rencontres», on découvre le poète Claude Renard, né en 1926, qui publie un recueil d’une centaine de pages, dont la maturité poétique étonne et enchante. Livre dense que celui-ci où l’auteur met en scène son expérience de la vie et son amour de la syntaxe. Les mots y sont choisis pour leur verdeur ou leur cadence. Les hommes y sont mortels et portés par le temps, ce temps « qui monte aux chevilles » et envahit tout, de l’espace et du chant.
Utilisant la rime ou le poème en prose, l’anecdote ou la besace aux souvenirs, Claude Renard fait preuve ici d’un sens aigu de l’art poétique. Sans être précieux ou redondant, il utilise des mots charnels capables d’évoquer les rares embellies de l’inspiration avec force et talent. On sent dans ces textes un amour certain pour la formule avec, en cadeau, l’indispensable « vécu » à l’origine de chaque poème. « Des corbeaux tout à fait démodés mais bons calligraphes jettent négligemment sur la neige un brouillon de légende tout mâchuré de brume et de pluie ».
Magritte et Ensor sont conviés à la table du poète avec cette simplicité magique que l’on accorde aux plus grands. L’humour, un humour quelque peu désenchanté, s’affirme de page en page, mais Claude Renard sait voir au-delà de l’évidence, « dans le coin droit du paysage »… «… deux amants témoins heureux du grand naufrage ».
©Jean Chatard
Note de lecture in Les Hommes sans épaules, n° 21, premier semestre 2006.