L’intensité de vivre est exprimée à partir de sensations et à coups d’anecdotes dans une écriture presque neutre et qui veut faire conscience. L’air de rien, le poète soumet à la question tous ces pleins et ces creux qui jonchent l’existence en cultivant le constat doux-amer ou l’attente amoureuse. Des tableaux établis à l’aide de bouts de ficelle — flous d’un geste ou d’un regard, dérives glissant vers l’estompe ou le burlesque, apparentes frivolités, malices —, produisent des chutes à étincelles comme autant de lueurs qui se prolongent en lignes de fuite. Les plaisirs et chagrins du quotidien ricochent ou sont absorbés par le miroir clignotant de nos incertitudes. Le lecteur attentif y trouvera un gisement. Les années peuvent bien passer tu dis que tu ne les vois / pas avant d’y être que tu gardes tous mes visages / que tu ne perds jamais rien. Et encore : Les jours elle ne les compte plus. Tous pareils. Ils avancent dans sa vie comme mer d’huile avec rien à l’horizon que les pas recommencés. Avec ça elle se dit que les heures sont plus longues que les jours qu’elles pèsent des tonnes et ses bras trop chétifs pour les chasser.
©Alain Breton
(Note de lecture in revue Les Hommes sans épaules, n° 31, premier semestre 2011)