L’image de la femme, poursuivie sur ses pistes fascinantes, saisie en ses parades pathétiques, continue de hanter le parcours poétique de Christian Saint-Paul. « L’Essaimeuse » la présentait naguère, « pétrie de volupté », mais aussi hasardée, téméraire, victime, au terme de l’épreuve sans fin qu’elle y faisait de son désir.
Aujourd’hui, avec « L’Enrôleuse » (Encres Vives n° 335), Christian Saint-Paul accentue l’âpreté de la quête érotique. Si la femme guette
« la promesse d’une flamme plus haute
Qui pourrait monter le long de son échine »,
l’homme rallume sans fin
« la torche incendiaire/ d’une simple caresse ».
Car il s’agit de se vouer à la femme, corps et âme, de la connaître par la « texture langoureuse » de sa chair, pour, désarmé par sa grâce, se laisser terrasser par ses fatalités.
Ce pacte sensuel, dévorant, de l’homme et de la femme, ou plutôt de la Femme et des hommes, conduit à une amertume telle que la quintessence de la félicité se trouve menacée de toutes parts.
Comment les hommes en détresse, « martelés de mythes » par la Femme et déterminés à « tuer le futur », sauveraient-ils du dérisoire la conquête inépuisable de la beauté ?
Comment éviteraient-ils le vertige d’une autodestruction qui va jusqu’à l’âme en faisant jaillir « les escarbilles de leur conscience » ?
Tout est-il faux dans cette « allégresse mouvante et chaude » ? Qui, de l’homme ou de la femme, se trouve finalement vaincu par la lassitude de la beauté ? Et qui possède, encore ici, la clé de cette « parade sauvage » ? (Arthur Rimbaud).
©Gilles Lades
(Note de lecture in revue Friches, n° 95)