Depuis lecture de Bulletin d’enneigement (Sud – 1974) et notre commune admiration pour Raymond Roussel, j’ai suivi, avec l’intérêt que l’on imagine, la publication de ses multiples ouvrages durant plus de 30 ans. L’œuvre de Pierre Dhainaut, fluide, étale, limpide, égale à elle-même et toujours différente, s’inscrit dans une préhension immédiate de la réalité, mais une réalité exacerbée où les mots, choisis, désignés, cernés, désirés, expriment la douleur sans jamais la célébrer. La dramaturgie qui se fait jour dans les divers recueils publiés n’est perceptible qu’au travers d’images la plupart du temps paisibles et situées dans un contexte de vastitude éclairée où le Nord occupe une place de choix.
Il faudrait parler d’élégance pour situer la poésie de Pierre Dhainaut. D’élégance et de lenteur. Il existe quelque chose de définitif, d’apaisé, d’essentiel dans les vers qu’il nous offre, et c’est chaque fois la ligne d’horizon qui limite les actes des individus. Mais il nous laisse surtout deviner le voyage au-delà du regard.
« Terre sèche, terre blanche, le ciel dévore ses oiseaux / en haut du promontoire : les mains en se crispant / ne font qu’ériger des murs insatiables. / Aucune aide autre part. Au raz de l’herbe / tous les jours, à toute heure, la tempête est chez elle… ».
Levées d’empreintes appartient à ce que Pierre Dhainaut a de plus précieux : le dialogue avec l’Autre, cet Autre qui tente de réconcilier les ennemis, d’allonger la plage, la page, de dénoncer l’intolérance.
L’œuvre de Pierre Dhainaut s’articule autour d’un vaste réseau où le poème s’inscrit en lettres de feu et où, « d’une syllabe inattendue », il sculpte le charme de la vie, le sauvage du temps jusqu’à l’apprivoisement des rives et des mots.
©Jean Chatard
(Note de lecture in revue Les Hommes sans épaules, n° 25, 1er semestre 2008)