Après une douzaine de recueils publiés, Jean-Claude Tardif, délaissant pour un temps la poésie, se consacre à la rédaction de petits romans, de nouvelles, de récits qui lui permirent de nous offrir successivement : Louve peut-être (La Dragonne), II existe aussi des histoires d’amour (Éditinter), Prorata temporis (Le Mort qui Trompe). Avec Pierre Taillande l’homme aux papillons, longue nouvelle de 40 pages, il nous fait pénétrer dans l’univers étrange et pathétique d’un marginal de la société, capable tout autant de nous bouleverser que de nous divertir. Ce qui frappe dès l’abord chez Jean-Claude Tardif, c’est un style d’une belle sobriété au service de l’histoire, dans un premier temps banale, d’un personnage assez falot, dont l’existence étriquée s’organise autour de petites habitudes. Alentour gravitent des individus assez ternes, gens du quotidien, hommes et femmes du commun. Le développement de l’intrigue fait incursion dans un humour passablement macabre (ristourne sur le prix des cercueils) avant de s’achever sur des pages où la dramaturgie recourt à des images suggestives sans jamais verser dans l’épouvante. On se gardera de révéler la fin de cette histoire à la fois simple et complexe où le cauchemar s’établit comme la normalité d’une situation donnée. Ce qui importe ici est le détachement avec lequel Jean-Claude Tardif s’empare de la situation et la manipule de telle sorte que le récit s’en trouve allégé. Réalité ? Fiction ? Qu’importe ! L’essentiel est que nous soit révélé un narrateur de haute volée qui s’inscrit d’ores et déjà parmi les écrivains de demain.
©Jean Chatard
(Note de lecture in revue Les Hommes sans épaules, n° 25, 1er semestre 2008)