Cet ouvrage de Josette SÉGURA est à l’image de sa manière de dire ses poèmes : une voix égale, unie, toute à la parole et aux mots qui la tissent. La première et plus longue partie : « A l’imparfait » , est un retour très musical, très médité, sur un itinéraire dont elle se déprend déjà, un chemin bordé de bonheurs réels ou possibles « le cuivre des
soleils sur l’orangeraie », et de déréliction : « cette nuit découpée dans
la nuit la plus noire ».
Mais Josette SÉGURA possède une faculté rare d’assumer jusque dans l’inflexion des mots la mouvante densité de la vie intérieure :
« le vent qui balaya les fruits au fond des coeurs »
ou « notre trame de terre et de ciel / pèse plus que jamais ».
Ses poèmes, doucement tirés de l’informulé, passent de la clarté au clair-obscur : « le vitrail de l’ombre ». Mais, poussée presque à bout d’avoir, avec « ce poids d’âme éclatée », poursuivi
« le corps à corps avec la terre »,
elle se dirige, dans la seconde partie, « Les lieux du chant », vers un consentement à « ce qui vient » : dynamisme doux de la mer et du vent, d’un « presque rien » dans l’intime du cœur qui bat à l’unisson du bleu illimité.
Ce qui œuvre, « l’écarlate douceur », réconcilie le regard avec la
substance sensible du monde, longuement goûtée, au point que :
« l’absence d’image nous consume ».
©Gilles Lades
in revue Friches, n° 40, automne 1992.