Henri Heurtebise ose ici pleinement ce qui lui est naturel, originel, c’est-à-dire le lyrisme, la ruée de parole (il a certes aussi baucoup écrit de « poèmes d’une page », qui font figure de fragments relativement à ces odes-ci).
Dans « Odes à mes contemporains », par exemple, nulle composition progressive, mais la preuve par le chaos surmonté, la friction de chaos qui fait feu d’exclamations et de questions. Il y a là comme une urgence propitiatoire, qui appelle à un nouvel état de l’être à partir de l’ici et du maintenant :
« Là inventer / jaillir de terre / faire l’odeur humaine ».
Tous ses thèmes rassemblés : la femme, la ville, l’intime, le luxe des sensations, l’enfance, l’éphémère, se renforcent l’un l’autre, comme si l’un faisait apparaître la nécessité de l’autre. Mais c’est une nostalgie, peut-être, qui survit à de si fortes houles :
« O femme / couleur profonde
……….
où chante la tradition de cœur / que je cherche ? »
Imaginie est tout le pays du poète, pays en genèse d’une « matière claire », dans « l’espace cœur » ; c’est aussi « la demeure qui ne succombe pas ». Là Cézanne, « Pan taciturne », illustre un défi fécond, tout comme Bernard Manciet, frère en lyrisme, disciple lui aussi de « la vie qui au plus près se vit ».
Pas de trève, donc, pour un poète de Garonne qui rêve d’eau limpide entre deux crues, plonge dans le halètement de l’être après la contemplation, lisse « le velours humain » comme on élève un vin fougueux, mais ne s’éloigne pas d’une voix fidèle qui le guide :
« mon cœur si jeune et si vieux
disant et dorant les choses ».
©Gilles Lades
in revue Friches, n° 59, été 1997.