A l’enseigne de « Mai hors saison », Guy Benoît publie « Chez le pistolero de Dieu», livre de son ami Jean-Daniel Fabre, décédé le 3 octobre 2004 après une existence difficile où la provocation et la révolte accompagnèrent une œuvre forte, marquée par une poésie incisive à l’image de la folie du monde et des hommes.
On peut évoquer Antonin Artaud ou encore Céline à propos de Jean-Daniel Fabre dont les imprécations et les jugements à l’emporte-pièce habillent un esprit tourmenté dont la lucidité est rapportée ici par Guy Benoît (son exécuteur testamentaire, son éditeur et son ami) qui a organisé cette publication avec le sérieux et les compétences que l’on lui connaît.
Chaque interrogation de Jean-Daniel Fabre est une plaie qu’il maintient ouverte en affirmant dès l’abord : « J’accepte toute souffrance du moment qu’elle ne brise pas ma prière et ma vie intérieure ». Les relations qu’il entretient avec Staline, avec Freud et même avec Dieu, demeurent ambiguës. « Je suis coincé entre Staline et Lamartine, entre le mur de la dissolution et le mur des lamentations ».
Tourmenté à l’extrême, Jean-Daniel Fabre assume sa folie en la clamant haut et fort. « Les fous ne changent jamais et jamais je ne change. » Déclaration qui implique une belle lucidité pour un homme confronté par ailleurs à des préoccupations où la Foi est bousculée et les dieux interpellés.
Cruauté et humour brûlent dans cet ouvrage avec la même force et, si « la vie est une prière inoffensive », autant qu’elle anime des pulsions capables de révéler les porteurs de feu. « L’homme est un passager du rêve divin, mais le monde garde son visa ».
« Chez le pistolero de Dieu » est accompagné de divers documents (manuscrits, extraits de presse) ainsi que de plusieurs photographies sur lesquelles le regard de Jean-Daniel Fabre (oh ! le regard de Jean-Daniel Fabre !) révèle un être d’exception dont les brûlures de l’âme laissent des traces indélébiles.
©Jean Chatard
Note de lecture in Les Hommes sans épaules, n° 21, premier semestre 2006.