En épousant une femme d’origine irlandaise, Kober a épousé davantage en cette « folle et indéracinable Irlande », qu’il a intégrée à sa propre mythologie intérieure, avec la Provence : « Civilisation rurale de jarres, de tians, de toupins, de faisselles, de tommettes et de cabanons que meuble la nuit le trapèze du hibou« , l’Inde : « Ce monde onirique, hors du temps », l’Italie : « Rugissant le matin des coulisses de la mer », et la Méditerranée : « La mer se bat à coups d’ossements sur les plages. » L’Irlande est présente dans l’œuvre de Kober, mais bien moins que ne le sont l’Italie ou l’Inde. Il manquait un grand recueil irlando-koberien. C’est chose faite, dans une belle édition bilingue anglais/français (traduction de Caroline Williams), avec un dessin inédit de John Huston (datant de l’époque où ce dernier tournait un film en Irlande), s’il vous plaît, et une préface de Daniel Leuwers : « … Jacques Kober nous fait pénétrer dans une sorte de surréalisme celte… nous convie, coude levé et verbe ajusté, à une inattendue ivresse d’au-delà. » Car il est vrai que le coude, on le lève, Guinness oblige: Une gorgée d’affût de canon dilué, – l’âme du pirate, fraîche autour du boulet – sans cesse rincée d’arraisonnement frais. L’image est le souffle de la création chez Kober. Elle bouleverse, transforme, sublime, métamorphose le réel, qu’elle fusionne avec l’univers onirique. Elle donne à voir dans le même laps de temps où elle réinvente le monde. Ici, il s’agit d’une Irlande : verte et inexpiable – à même la glaire des îles – et l’apostrophe des saints.
©Karel Hadek
(Note de lecture in revue Les Hommes sans épaules, n° 17/18, deuxième semestre 2004)