Il faut saluer le parcours d’extrême lucidité de Roger Gonnet : de livre en livre (Parler gris, La Bartavelle, 1999 ; La Semaison des signes, Froissart, 1999 ; L’Or de nos corps détruits, Unimuse, 1999), il nous donne à admirer la nudité aphoristique d’une parole que l’on croirait directement traduite du regard – regard porté sur les choses, mais plus encore, et sans illusion, sur l’intérieur de l’humain, ce « nous » collectif, à la fois observateur et observé.
Les deux nouveaux ouvrages s’inscrivent dans cette continuité, le référent marin de Parole à marée haute ne faisant d’ailleurs que renvoyer vers une introspection hantée par le vieillissement : La mer emporte, découvre ce que l’enfant sait d’évidence./ Ce qui fonce, pâlit après marée est parole et mémoire, cartes brouillées, atouts d’un soleil majeur, horizon que le sang cherche au fond des cellules.
Dans le livre intitulé Le Silence précaire, une dignité particulière semble s’attacher à l’instance supérieure que serait le vrai silence dans sa fragilité nocturne : Belle page neuve, temps vierge, infini du silence de la nuit totale […], alors que toute médiation poétique (on se nourrit de paroles défaites, des signes d’une langue morte) ne pourrait que manquer son but : Il n’y a pas de nuit profonde mais la nécessité de fermer les yeux sur des images qui lui servent de nom – admirable écriture du courage désenchanté !
Deux livres où, sans l’avoir recherchée, la méditation trouve l’authentique beauté.
©Paul Farellier
(Note de lecture in Les Hommes sans épaules, n° 12, 1er semestre 2002)