Sous le titre rusé, sous le masque sinisant de l’esthète et sans nulle velléité de prétendue révolution langagière, voici ce qui est rare : un verbe où nous sentons poindre comme un avènement dans notre poétique occidentale parfois si platement surmenée. Et d’abord, ce poème se fait libre oraison : il sait dire sa faim de Dieu, non sans une brusquerie toute claudélienne. Il est aussi parole d’amour dans la mutuelle présence/ absence, avant qu’un soleil encore nous sépare (Je ne contiens rien de toi/ mais un baiser dont tu as soif).
Au fil des pages, qui sont autant de paysages peints ou de profondes méditations (Le soir descend parfumé de sagesse/ brûlante impatiente et nue), Pierrick de Chermont nous initie à son art de haute stature où nous voyons réapparaître, et la bure du moine-soldat, et le chatoiement du vrai « dandysme » (au meilleur sens du terme, c’est-à-dire alliant aristocratie, élan esthétique, humour et profondeur) ; sous des dehors énigmatiques et précieux (mais jamais inutilement), il nous achemine sur les voies sacrées (Ah la grande fête qu’est le détachement de soi-même/ non par cette attente encore sensible au tremblement de vivre// Mais par la main fière […]).
Une très belle postface d’Alain Breton, elle encore poème et vérité, relance comme un feu de miroir sur cet ouvrage en tous points réussi : ce livre – cela non plus n’est pas si fréquent – est aussi un plaisir de lecture.
©Paul Farellier
(Note de lecture in Les Hommes sans épaules, n° 11, 2ème semestre 2001)