Qu’est-ce que vivre, et comment ? Questions lancinantes qui semblent traverser tout le poème chez Mireille Fargier-Caruso. Nous habitons ce monde-là/ qui n’est pas le nôtre : quelle vérité triomphe-t-elle du non-sens où nous demeurons ? On remplit nos mains/ On ferme nos maisons/ On empile des signes/ Des objets des occupations/ Sans cesse on tente de ranger/ Le désordre du monde
En ce monde inévitable, seul l’amour, dans son commencement solaire inconditionnellement bon, tisse des accords bleus : […] Nous vivons l’intervalle/ Une brèche d’amour […] Quelqu’un pose à nouveau/ Une main sur nos tempes/ Pour adoucir la nuit/ Encore cette fois/ Nous portons le futur
Le poème sait dire les élans et les chutes – on veut l’illimité le partage/ puis retombe le chant au sol/ comme un caillou – mais il s’affirme comme son propre dépassement : Pour connaître/ un autre soleil/ une barque/ jusqu’à l’infini/ du neuf/ encore une fois// nous sommes/ plus loin que nous
Cela seul nous permet d’affronter la limite et l’effacement ; de n’avoir, humbles, à valider dans notre vie que son petit tas de jours.
Une poésie foncièrement authentique, grave, et qui refuse tout effet de style. Malgré le sombre du thème, lecture en définitive réconfortante comme tout ce qui sait faire face.
©Paul Farellier
(Note de lecture in Les Hommes sans épaules, n° 19, 1er semestre 2005)