Ce brûlé des choses, pour Jeanine Salesse et pour le lecteur qu’elle captive et entraîne, c’est la saveur du souvenir, c’est le lointain qui fleure sa présence. Dès la première suite de ces poèmes : L’enfant en capuchon, on éprouve la fidèle insistance de l’enfant dans la personne adulte : Toutes ces taches brunes racontent/ dans la mienne sa vie.
Avec la deuxième suite, Sourire arrêté, sourire intact, lutte inégale contre le temps, de très prenantes images nous étreignent (visages/ qui se vident comme chaises/ se dépaillent ou le bel été à bout de jambes lasses), des poèmes nous saisissent, ainsi celui où meurt un peuplier du jardin : Début de carnage : des passereaux giclent/ sous la scie.
La dernière suite, Pain perdu, amour à foison, se tient comme en recherche d’un équilibre entre l’irrésistible du temps (Les jours se dérobent, nous passent/ au travers, oubliant une pincée/ de neige sur les cols), l’insistance du souvenir (Venue de la mémoire une voix passe/ encore dans la tienne) et, surtout, l’attention aux plus humbles réalités : la volée de plume, l’humus, les souffles, les riens ; avec, pour contrepartie, le sentiment d’un manque dans la parole (Rien ne guérira ma voix/ de ce qu’elle n’a pu dire : ce petit bois/ d’épave, ce rien/ qui fait sourire) et comme un goût d’inachevable qui donne à ce beau livre, au delà même du charme de son écriture, sa véritable dimension poétique.
©Paul Farellier
(Note de lecture in Les Hommes sans épaules, n° 12, 1er semestre 2002)