On a beaucoup de plaisir à lire Denise Borias : une écriture de plus en plus allégée vers l’essentiel, loin du souci d’accumuler ou de prouver ; des suites justement aérées, une parole toute de grâce, de simplicité naturelle, pour dire, sans recours non plus au lyrisme, l’émotion apollinienne du spectacle du monde. Chaque ligne vérifie l’adhérence entre objet et regard, sinon leur identité. Tel était, par exemple, le livre précédent (Instants donnés, L’Arbre à paroles, 2000) ou encore chacun des derniers titres publiés par Rougerie, et notamment Paroles de feuilles (1991). Outre la finesse « japonisante » de l’observation, n’y avait-on pas senti déjà, et par le corps, l’irrésistible aimantation du moi par la rive du monde ?
Avec ces Mots de passe (un titre assez polysémique pour évoquer l’intensité d’un passage), Denise Borias ajoute à la beauté qui se regarde, le danger qui se mesure (l’ouverture à l’inconnu/ au secret des cellules/ jonglant avec la vie) et le sentiment très fort que le destin personnel – et son aboutissement dans la mort – se résout à la fois dans le grand tout de la nature, comme une restitution ultime de la personne à l’être du monde, et dans la descente en soi-même, comme une rentrée en vérité (Sans un mot je partirai/ telle une branche infime/ se mêle aux brumes de novembre […] Le départ se fera désormais/ vers l’intérieur/ comme on rentre chez soi). Il faut donc apprendre et retenir ces Mots de passe.
©Paul Farellier
(Note de lecture in Les Hommes sans épaules, n° 15, 2ème semestre 2003)